Dungeons & Dragons 5 : le jeu de rôle le plus connu, de retour en force !

Bonjour à tous !

Vous connaissez très certainement Dungeons & Dragons. Si vous n’êtes pas un adepte, vous avez, en tout état de cause, déjà dû entendre ce nom quelque part, sans nécessairement que vous parveniez à saisir ce dont il s’agit.

Je vais essayer d’y remédier, à mon modeste niveau, en vous présentant ce que je sais de ce jeu de rôle cher à mon coeur. Une petite parenthèse, d’ailleurs : j’ai passé une quinzaine d’années à parcourir les univers imaginaires proposés par Dungeons & Dragons (D&D), d’abord grâce aux jeux Baldur’s Gate ou Planescape Torment, ensuite parce que j’ai eu l’honneur et la chance d’animer un module sur Neverwinter Nights (un jeu important, à mes yeux, et pas qu’aux miens puisqu’un Fabien Cerutti, auteur du Bâtard de Kosigan, confesse son amour de ce jeu), enfin parce que j’ai, depuis quelques années, la joie d’être Maître du Jeu et d’initier des joueurs à mon loisir favori.

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Première de couverture de la campagne Waterdeep : Dungeon of the Mad Mage. Retenez cette image.

Pour les néophytes les plus complets, permettez-moi de répondre à une possible interrogation immédiatement : un jeu de rôle est une activité vous permettant d’incarner un personnage, et de partager un moment convivial autour d’une narration co-construite. L’univers de jeu importe peu : ce peut être du médiéval-fantastique, du futuriste (par exemple, Eclipse Phase), du cyberpunk (je suis contraint de citer Shadowrun), voire des trucs plus étranges du type science-fantasy (Coucou Numenéra) !
De mon expérience, il y a des choix à faire, des dialogues à improviser, de la grandeur, de la décadence, des pizzas, des bières, des amis, et pas mal de rires.

C’est un outil formidable pour raconter des histoires entre amis.

Ceci étant posé, plongeons dans le sujet du billet !

D’où vient la cinquième édition de Dungeons & Dragons?

Je ne compte pas vous faire un cours d’histoire sur Dungeons & Dragons : ce serait (très) long, et ce n’est guère le sujet ici. Je vais me borner à une poignée de paragraphes.

Disons simplement que, depuis sa publication en 1974 (grâce, notamment, à Gary Gygax), le jeu a connu pas mal de changements, jugez-en plutôt :

  • De « Basic D&D » à « Advanced Dungeons & Dragons » (AD&D),
  • en passant par la Deuxième Edition d’AD&D en 1989 (qui aura servi de base pour les systèmes de jeux utilisés dans Baldur’s Gate, Baldur’s Gate II : Shadows of Amn & Throne of Bhaal, Icewind Dale, pour ne citer que ceux auxquels j’ai joué),
  • Puis la troisième édition de D&D, sortie en 2000 (qui aura servi, ici, de base aux jeux Neverwinter Nights et Icewind Dale II).

En 2008, les choses se sont gâtées : la quatrième édition est sortie. Disons simplement qu’elle a conduit à des avis partagés, certains joueurs n’appréciant pas la direction prise par Wizard of the Coast (la maison éditrice de D&D).

De là, une période que j’ose qualifier de compliquée, avec une perte de vitesse de la licence D&D au profit d’autres concurrents (Pathfinder, notamment).

C’est dans ce contexte qu’en 2014, nous avons pu profiter de la sortie de D&D 5ème édition. Cette cinquième édition, je l’apprécie énormément. Plus simple que d’autres éditions pour initier de nouveaux joueurs, elle repose largement sur la tradition (pour le plaisir des anciens joueurs). En somme, il s’agit d’un bon équilibre (à mon sens) entre une mécanique globalement bien huilée (avec quelques déséquilibres, mais la perfection n’est pas de ce monde) alliée à une construction narrative du personnage plutôt efficace.

Un phénomène culturel

Il est loin, le temps de la diabolisation.

Souvenons-nous : aux Etats-Unis, une panique morale a saisi le coeur et les esprits de nos amis outre-atlantique. Jouer aux jeux de rôles, c’était exposer ses enfants au satanisme, ou à on-ne-sait quelles pratiques dangereuses et immorales.

Ne nous moquons pas trop vite : à peu près au même moment, la jeune députée Ségolène Royal partait en croisade contre les mangas, et les médias français se faisaient l’écho d’allégations gravissimes sur le jeu de rôle, qui encouragerait les troubles psychiatriques, les suicides et les meurtres (rien que ça).

Cette période de délire collectif mériterait, très certainement, un article tant le ridicule a pu atteindre des sommets (à titre d’illustration, la profanation de tombes juives avait été imputée à des rôlistes par les médias, dans les années 1990 ; après enquête, les néo-nazis se sont révélés être les véritables responsables -si on s’arrête quelques instants, il paraît quelque peu incongru que les rôlistes aient pu paraître être des suspects plus probables pour la profanation de tombes juives que des groupuscules néo-nazis-).

Ce temps de stigmatisation est, toutefois, révolu.

Critical Role en est une illustration . Mais ce n’est là « que » un phénomène internet. Un phénomène important, tant il paraît surprenant (voire inimaginable) qu’un groupe de gens filmés à jouer à D&D autour d’une table, avec des épisodes de 4 heures en moyenne, puisse rencontrer un succès tel qu’il se compte en millions de fans. Mais un phénomène qui reste assez confidentiel en France, il faut l’admettre.

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Stranger Things me paraît une illustration bien plus frappante. Une des séries diffusées sur Netflix parmi les plus regardées au monde. On peut suivre une bande de nerds, traversant des épreuves tutoyant plus d’une fois le surnaturel. Surtout, on assiste à un bel hommage à la pop culture des années 1980 -et D&D est à l’honneur, avec une introduction des personnages autour d’une partie de D&D, et des références au Prince Démon Démogorgon, aux flagelleurs mentaux, l’Upside Down rappelant fortement le Shadowfell-). L’hommage, d’ailleurs, ne s’arrêtera pas là puisqu’une boîte d’initiation à Dungeons & Dragons sortira en mai 2019, rendant hommage à… Stranger Things !

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Sans doute l’hommage le plus évident, il ne s’agit pourtant pas d’un cas isolé. Sans souci d’exhaustivité, je peux citer :

  • L’épisode de l’excellente série comique Community où, dans la seconde saison, vous avez un épisode centré sur Fat Neil dont la vie sera sauvée grâce à la plus grande aventure de D&D jamais jouée. L’épisode est intitulé « Advanced Dungeons & Dragons, tout simplement.
  • Rick & Morty, qui exploite beaucoup la proximité avec D&D, comme en atteste la publication d’un starter set plutôt barré pour D&D, mais aussi la publication d’une série de comics, et enfin un épisode entier de la saison 4 au croisement d’un univers magique et de l’univers de Rick & Morty.
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Cela ne vous rappelle rien?
  • La parodie du genre par le Donjon de Naheulbeuk (qui ne caricature pas spécifiquement D&D, mais ce dernier jeu étant le grand-père des JdR fantasy, il va de soi qu’il est concerné au premier chef !)
  • South Park, dans sa saison 23, a un épisode, diffusé le 13 novembre dernier, dont l’intrigue est en grande partie fondée sur D&D : Board Girls. Ce n’est pas la première référence, l’épisode final de la saison 17, Titties and Dragons, faisant à mon sens référence à Donjons et Dragons (en plus d’être une parodie, naturellement et évidemment, de Game of Thrones).

Ces quelques illustrations permettent, je pense, de vous faire sentir que l’influence de ce jeu est réelle, et qu’il perfuse une part non négligeable de notre imaginaire commun.

Un succès grandissant

Les données sont difficiles à réunir, et à interpréter. Je ne vais pas vous faire un long exposé de méthodologie ; je me suis borné à analyser les chiffres délivrés par Roll20, FantasyGround (des sites permettant de jouer en ligne aux jeux de rôle), et à me fonder sur cette analyse d’ICV2.

Ces données concernent l’année 2017

Si je résume, on assiste à une croissance très soutenue des ventes liés aux jeux de rôles, et notamment D&D 5 (qui représente plus de la moitié des parties jouées sur Fantasy Ground et Roll20 !…)

Le « Hobby Market » (qui comprend les jeux de cartes, les jeux de rôle, les figurines) était estimé à 735 millions de dollars aux USA et au Canada en 2013, dont 25 millions de dollars (seulement !) pour les jeux de rôle au total (en croissance de 67%).

En 2018, ce marché pèse 1,5 milliards de dollars, dont 65 millions de dollars pour les jeux de rôle (en hausse de 18% par rapport à 2017).

Source

Nous n’avons pas encore les prévisions pour 2019, et il est périlleux d’estimer que, ces cinq dernières années ayant été bonnes, la sixième le sera également -les retournements de situation existent !-. Toutefois, la popularité évidente de D&D -qui fait l’objet d’articles analysant le phénomène dans la presse anglosaxonne (un exemple ici), l’augmentation exponentielle de Starter Set vendus (une augmentation des ventes de 65% en 2018 par rapport à 2017 ; s’agissant d’un kit d’introduction, il est raisonnable de penser qu’une partie au moins de ceux ayant acheté ledit kit va persévérer et acheter d’autres produits de la gamme).

Je ne ferai pas de descriptif sur le marché français, faute d’informations suffisantes. Tout au plus puis-je signaler qu’il semblerait qu’il y ait des évolutions en cours au niveau traduction et/ou distribution au vu de la dernière annonce du distributeur (ou ex-distributeur) français Black Book Editions.

Et l’avenir?

Je ne suis pas, hélas, devin. Et si je l’étais, je ne suis pas sûr que deviner l’avenir de D&D serait ma première priorité. Bref, prenez ce qui va suivre avec des pincettes.

A mon sens, sauf plantages répétés de la stratégie cross-média de Wizard of the Coast, le succès devrait perdurer -et très probablement s’accroître-. L’année 2019 sera, je pense, une année au moins aussi bonne que 2018 et le secteur n’a pas encore atteint son plein potentiel, et connaîtra, de ce fait, une croissance à deux chiffres quelques années encore.

Déjà, je peux vous prédire que le 9 janvier 2020, un nouveau supplément devrait être annoncé : un Explorer Handbook dont le contenu est, à ce jour, encore mystérieux. J’espère qu’il s’agira d’un livre sur le lore des Royaumes Oubliés.

Il y aurait sept ou huits jeux D&D en cours de développement, dont deux sont déjà connus : un nouveau Dark Alliance en mode Diablo, dont le trailer m’a quelque peu laissé de marbre (je le trouve affreux, je ne vais même pas l’inclure dans l’article, cela m’obligerait à le revoir à nouveau), et un nouveau RPG intitulé Baldur’s Gate III par l’excellent Larian Studios, qui feront, je l’espère, un aussi bon travail que pour les jeux Divinity.

Une source légitime d’excitation.

Si ce jeu rencontre le succès, je pense pouvoir légitimement prédire que cela ne pourra que profiter à D&D dans son ensemble. Le mouvement de renaissance du RPG à l’ancienne me pousse à l’optimisme !

Pour les autres jeux, nous sommes en attente de plus d’informations. Tout au plus ai-je tiqué à la lecture de cet article, où le Président de Wizard of the Coast, Chris Cock, annonce les sept ou huit jeux, mais surtout son intention :

Nous voulons que chaque jeu ait un point de vue, qu’il ne fasse qu’une ou deux choses, mais qu’il les fasse très, très bien.
Ce que nous ne voulons pas, c’est que tous les jeux de la franchise essaient de tous faire la même chose, et de tout faire en même temps. […] Nous voulons le faire dans toute une variété de genre, et les futurs jeux vont explorer différents domaines, qu’il s’agisse de jeux de grande stratégie, de combats d’armées, ou qui rentrent vraiment dans l’exploration personnelle d’un personnage.

Je comprends l’intention -il n’est pas possible de répliquer les règles du jeu papier dans un jeu vidéo, nécessairement plus limité-, mais j’espère tout de même que les différents jeux annoncés vont se concentrer sur le RPG à un joueur, sur une belle narration, et de belles aventures. Or, je crains qu’on ne voit pas mal de jeux s’aventurant en dehors du coeur de métier (si je puis dire) de la franchise. J’aime les jeux de stratégie et de grande stratégie, mais je crains que le pari ne soit risqué. Rappelons, tout de même, que Wizard of the Coast brillait pas mal avec les jeux solos des années 1990 et du début des années 2000, avant de sombrer dans l’oubli et les ténèbres en voulant se lancer dans une espèce de MMO (Neverwinter) qui a très probablement des qualités, mais qui oublie un aspect essentiel : le jeu de rôle ! Ce qui est un comble.

Qu’on nous donne un jeu comme Neverwinter Nights, avec des outils simples permettant à la communauté de créer des modules en ligne. Je sais qu’il y a une demande, et que cela fonctionnera bien.

Il ne reste plus qu’à attendre ce que l’avenir nous réserve. Et espérer.

Les sources du succès

Ici, je ne peux qu’être modeste, et mon analyse personnelle n’est que cela : une analyse personnelle.

Je pense qu’il y a une question d’exemplarité. Critical Role, mais aussi d’autres acteurs, d’autres personnes très connues aux USA, confessent sans fard leur amour de D&D.  La fantasy, en tant que genre, s’impose dans l’imaginaire collectif (avec les films Le Seigneur des Anneaux d’abord, Game of Thrones ensuite, et je pense pouvoir prédire que la série The Witcher prendra le relais à ce niveau).

Evidemment, cela joue sur la visibilité et sur l’acceptation sociale de ce loisir. Ce n’est pas grave d’être un geek ou un nerd. Ce peut même être cool.

Cette explication fait sens, mais cela me paraît insuffisant. Si ce n’était que quelque chose de commercial (cela l’est, bien sûr, dans une certaine mesure), le succès n’aurait pas été au rendez-vous.

Le critère le plus déterminant, après l’exemplarité et la visibilité, c’est le plaisir. Les gens aiment raconter des histoires. Ce sont des êtres sociaux. Et ce loisir est à la confluence de beaucoup de choses : la créativité, la narration, la coopération (ou le drame !) entre amis, et même des mécaniques de jeux permettant de s’essayer à résoudre des problèmes plus ou moins complexes (autrement dit, les bagarres sont fun à jouer).

Je pense que c’est là le critère le plus déterminant. Oui, c’est accepté socialement. Oui, la visibilité permet aux gens de prendre connaissance de l’existence de ce loisir, et de vouloir (pourquoi pas) l’essayer. Mais c’est ce côté social, fun, créatif qui vient transformer l’essai (pour prendre une métaphore rugbystique) : l’essayer, c’est l’adopter. Et plus de gens l’adoptent, plus les autres ont envie d’essayer. C’est un cercle vertueux, positif, qui ne prendra pas fin, je pense, avant quelques années. Pour mon plus grand plaisir !

 

6 réflexions sur “Dungeons & Dragons 5 : le jeu de rôle le plus connu, de retour en force !

  1. Superbe article comme toujours. J’ai un regret, personne pour jouer. Tu me dira il y a Roll20, mais je n’aime pas cette interface pour jouer un JDR, je prèfère largement les interactions en chair et en os.
    J’ai jouer à D&D ado et jeune adulte!

    J’aime

    1. Vu le peu d’articles que je fais, encore heureux que j’essaie d’avoir deux ou trois sources !
      Je n’ai essayé qu’une seule fois Roll20. J’en comprends l’intérêt et l’utilité, mais ce n’est pas tout à fait la même chose qu’avoir une table de joueurs. L’idée de mon article, et de pas mal d’articles du genre, c’est de donner envie aux gens d’essayer. Plus il y a de joueurs, plus il est simple de jouer ! C’est souvent le gros problème : trouver une table. J’espère que tu pourras trouver une table, c’est une expérience très cool !

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