Câblé, de Walter Jon Williams : cyberpunk, contrebande et Résistance.

Chers lecteurs et lectrices, aujourd’hui je voudrais partager avec vous mon expérience en plongeant dans l’univers fascinant et dystopique de « Câblé » (titre original en anglais : « Hardwired »), un roman de science-fiction signé par l’auteur américain Walter Jon Williams et publié en 1986.

Walter Jon Williams a longtemps été connu sous le nom de Jon Williams, auteur de la série « Privateers and Gentlemen », une fresque maritime de guerre qui n’a pas réussi à s’imposer dans un univers littéraire dominé par des auteurs tels que C.S. Forester, Alexander Kent, et Patrick O’Brian. Cependant, en 1986, il a laissé de côté la marine pour se tourner vers un genre littéraire alors émergent : le cyberpunk. Il a ainsi publié « Câblé », un roman à la fois emblématique de l’esthétique cyberpunk et révélateur de certaines tensions politiques sous-jacentes.

J’ai lu cet ouvrage il y a un certain temps (profitant de l’édition chez Denoël Lunes d’Encre de Câblé +), et j’ai eu l’occasion de m’y replonger un peu plus récemment. On est bien loin, ici, de l’actualité culturelle puisqu’il s’agit au contraire d’un classique. En effet, ce roman fait partie du triptyque ayant fondé le genre et l’esthétique Cyberpunk à mes yeux (avec le Neuromancien, de William Gibson, et le Samouraï Virtuel, de Neal Stephenson). Un genre que j’affectionne tout particulièrement, j’en veux pour témoin mes articles sur Shadowrun (le jeu de rôle ou les jeux vidéos) et mon attente fébrile de Cyberpunk 2077 à l’époque -trois ans avant que ça sorte finalement !-. Un genre, aussi, qui est un peu dépassé par les événements et qui a été fécond, à mon sens, en successeurs : le cyberpunk me rappelle ces plantes qui, chaque année, dépérissent pour revenir de plus belle plus tard, et ensemençant les alentours dans l’intervalle.

Une intrigue simple et efficace

Plongez dans le tourbillon post-apocalyptique de « Câblé », où Walter Jon Williams tisse une toile complexe de lutte de pouvoir, de technologie avancée et de survie.

Le monde tel que nous le connaissons n’est plus. Les États et les citoyens ont perdu leur combat contre les conglomérats transnationaux, désormais maîtres incontestés du globe. Leurs dirigeants, perchés dans leurs stations spatiales, règnent sur une Terre à la dérive, où la technologie est reine et la survie, le seul but.

Dans ce chaos, nous rencontrons Cowboy, un ancien pilote de chasse dégringolé du haut de sa gloire passée pour devenir un contrebandier rusé, esquivant les contrôles des conglomérats avec une audace qui frise l’insouciance. Toujours à la recherche du prochain gros coup, Cowboy traverse la vie à toute vitesse, le regard fixé sur le rétroviseur.

Parallèlement, il y a Sarah, une prostituée qui a trouvé un moyen d’échapper à la misère grâce à des modifications corporelles audacieuses qui attirent l’attention de ceux qui cherchent à exploiter ses talents uniques. Elle est une survivante dans un monde qui ne pardonne pas, portant ses cicatrices comme des médailles.

Leurs chemins se croisent de manière inattendue, entrelaçant leurs destins de manière indissociable. Ensemble, ils naviguent dans le labyrinthe de la corruption, de la trahison et du pouvoir, où chaque décision peut signifier la vie ou la mort.

Les technologies avancées, omniprésentes, ne sont pas une fin en soi dans « Câblé », mais servent de toile de fond à un récit plus profond sur la résilience humaine et la lutte pour la liberté. Elles sont à la fois une bénédiction et une malédiction, fournissant les moyens de survie tout en créant de nouvelles formes de servitude.

Mais au-delà des modifications corporelles et des prouesses technologiques, c’est le cœur humain qui bat au centre de « Câblé ». Cowboy et Sarah, malgré leur réalité post-humaine, sont fondamentalement humains – leurs désirs, leurs peurs, leurs espoirs et leurs rêves sont aussi tangibles que dans n’importe quel roman classique centré sur les personnages plutôt que sur la technologie.

Alors que le monde autour d’eux s’effondre, ils cherchent à créer un avenir meilleur, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour tous ceux qui ont été laissés pour compte dans ce nouveau monde. Mais la question reste : peuvent-ils réussir là où tant d’autres ont échoué ? S’agissant de cyberpunk, vous devinez peut-être la réponse (le système écrase les individus, et les victoires, lorsqu’elles existent, sont nécessairement locales ; même le corpo blindé de thunes finissant par bouffer le pissent par la racine n’est qu’un outil voire une victime du système qu’il sert).

Câblé : l’archétype du Cyberpunk

Le cyberpunk, au fond, c’est quoi (à part la fusion du mot « cyber » renvoyant à la technologie, notamment informatique, et « punk » qui renvoie à la révolte sociale)? C’est un genre dur, un genre cynique, un genre qui est le croisement de la dystopie futuriste (un futur proche, si proche qu’il a parfois un petit goût rétro-futuriste), du Film Noir et du transhumanisme. Les riches y sont très riches, les pauvres très pauvres. Le crime règne en maître avec des mégacorpos cupides. L’égoïsme, la cupidité et la luxure suintent de partout. Il n’y a pas de héros. Il y a des criminels, des parias, des professionnels de la démerde, des rebelles. Si l’oeuvre en cyberpunk remonte aux années 1980, on trouvera aussi des gros morceaux de Japon triomphant.

C’est un genre un peu vieillot qui a connu son heure de gloire dans les années 1980 et qui, de façon assez intéressante je dois dire, reviens en force depuis 2015 dans le monde vidéoludique (j’ai déjà cité Shadowrun, je peux surtout citer Deux Ex: Human Revolution, Cyberpunk 2077 (et sa déclinaison en anime) ou encore le remake de Final Fantasy VII). C’est ce retour en force qui m’a fait lire Câblé, et c’est ce roman qui m’a aidé à prendre conscience de façon très très nette de certains thèmes du cyberpunk.

Dès les premières pages, alors que notre brave Cowboy « conduit » ses véhicules avec l’aide de ses implants, on est plongé immédiatement dans l’action -et dans ce qu’est le cyberpunk-. La technologie qui fournit la solution et aide l’oppression. Les corporations, qui sont les clients, les ennemis, ceux qui fournissent la thune et qui maintiennent dans la galère. Le monde, qui n’est pas en noir et blanc mais en nuances de gris. Les protagonistes, qui ne sont pas des héros. Le système, qui n’est pas toujours visible explicitement mais qui conditionne comment une histoire cyberpunk doit se finir : les victoires sont de courte durée, ou ont un tel coût que le goût est au mieux doux-amer. Le style, qui l’emporte parfois sur le fond (où il est plutôt à la mode de dépeindre la technologie assez négativement, ce qui me désole un peu au vu du contexte actuel mais il n’est pas très juste de retenir cela contre un récit rédigé en 1986, qui ne pouvait prédire les dérives en France en 2023). Tout cela et plus encore fait partie du Cyberpunk -et se retrouve dans Câblé-.

S’agissant d’un récit archétypal, où le style cyberpunk suinte de partout et de chaque page, il est évident que quiconque connaît un peu le genre ne risque pas d’être excessivement surpris. A la décharge de Câblé, encore une fois, ce récit remonte à 1986. Oui, le réseau internet, les implants cybernétiques, les drones qu’on peut piloter à distance et toute l’esthétique ou les tropes sont vus et revus, mais dans le contexte de l’époque je pense que c’était bien plus original que cela ne l’est maintenant !

En conclusion, si vous aimez le cyberpunk comme moi et que vous n’avez pas encore lu, essayez de vous procurer ce roman : ça se lit bien, c’est rythmé, il y a de l’action et vous serez servi en esthétique cyberpunk.

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