L’industrie minière spatiale, un nouvel eldorado?

L’espace, nouvelle frontière pour l’industrie minière? C’est là le pari un peu fou de plusieurs industriels, qui voient dans les astéroïdes  (voire la Lune) des opportunités commerciales et non pas seulement des objets d’études.

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L’astéroïde Ida et sa « lune »

Permettez-moi de me fendre d’un petit article sur les astéroïdes, sujet à la mode (même si j’ai raté « l’asteroid day » du 30 juin dernier !).

C’est quoi un astéroïde?

Commençons par le commencement : un astéroïde, qu’est-ce que c’est? A priori, nous avons tous une plus ou moins bonne image de ce dont il s’agit : un petit corps rocheux ou métallique, de forme irrégulière (à l’exception notable de Cérès).

Ce gros caillou céleste peut être divisé en de nombreuses catégories, que ce soit en fonction de sa localisation ou de sa composition.

Ainsi, au niveau de sa localisation, je vais vous éviter de trop grandes disgressions. En résumé, vous pouvez dénombrer plusieurs groupements : la ceinture principale (comprise entre Mars et Jupiter), les Troyens (compris pour leur immense majorité dans l’orbite de Jupiter, sur les points de Lagrange L4 et L5), la ceinture de Kuipler (au-delà de l’orbite de Neptune) et les géocroiseurs (les astéroïdes ayant une orbite similaire à celle de la Terre).

Quant à leur composition, on peut distinguer pour simplifier trois grandes familles d’astéroïdes : les astéroïdes de type C, c’est-à-dire riches en carbone (75% des astéroïdes visibles), les astéroïdes de type S, c’est-à-dire riches en silicates (environ 17% des astéroïdes) et les astéroïdes de type M, composés pour l’essentiel de métaux.

Ces considérations ne sont pas totalement secondaires : en effet, l’emplacement et la composition des astéroïdes sont absolument essentiels dans la perspective de l’exploration minière des astéroïdes.

Le contexte de l’exploration minière des astéroïdes

Cette exploration minière paraît relever, à l’heure actuelle, de la science-fiction.

Du moins, c’est ce qu’il semblait il y a encore quelques années. Mais les choses sont en train d’évoluer, et d’évoluer très vite.

Ainsi, en décembre 2015, Barack Obama a ratifié une loi visant (entre autres) à préciser le statut des ressources des astéroïdes. Cette loi devrait faciliter l’exploration et la récupération commerciale des ressources spatiales, à défaut de pouvoir permettre la propriété privée sur un astéroïde (la chose étant interdite par le Traité de l’Espace).

En Europe, le Luxembourg se positionne sur cette future niche en préparant une loi relative à l’exploitation des ressources spatiales. Ce projet de loi, le second dans le monde, devrait être voté par la Chambre des Députés pendant l’été 2017. Ce pays, petit par la surface, veut ainsi devenir à terme un « hub spatial » incontournable. Une prétention qui n’a rien de risible : rappelons que ce pays est le siège de SES, un des plus gros opérateurs mondiaux de satellites.

Bien sûr, ces évolutions juridiques ne sont que les premiers frémissements de ce qui pourrait devenir une véritable révolution. Déjà, des débats juridiques houleux s’engagent sur un point essentiel : celui de la propriété privée. Je reviendrai ultérieurement sur ce débat, absolument passionnant juridiquement.

Ces débats n’ont pas empêché des entreprises de se créer et de se préparer à une éventuelle exploitation commerciale des astéroïdes. Les plus connues sont  Deep Space Industries et Planetary Resources.

Un nouvel eldorado?

C’est une question ouverte, à laquelle je n’ai pas encore de réponses.

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Cet austère « caillou dans le ciel » ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons de l’abondance. Et pourtant…

La principale difficulté de cette exploration minière n’est pas technique, ni même juridique : ces choses-là peuvent être surmontées.

Non, la principale difficulté est économique : l’exploitation minière d’un astéroïde peut-elle être rentable?

Pour répondre à cette question, vous trouverez sur le site asterank le classement des astéroïdes selon plusieurs critères, par exemple leur valeur. Vous constaterez ainsi que beaucoup d’astéroïdes ont une valeur se comptant en trillions de dollars. Ce n’est toutefois pas le critère pertinent ici : il vous faut trier les astéroïdes en fonction de leur rentabilité. Vous constaterez ainsi que, selon ce site, Ryugyu (situé à 1,19 UA) est le plus « rentable », sa valeur étant de 82,76 milliards de dollars tandis que le profit est estimé à un montant de 30,08 milliards de dollars.

Il me faut tempérer votre éventuel enthousiasme : à ce stade, le profit est estimé à la louche, faute d’une connaissance exacte de la composition réelle des divers astéroïdes et faute, surtout, d’avoir une réponse satisfaisante à un problème évident : celui de la rareté.

Ainsi, il paraîtrait sensé de se concentrer sur l’exploitation du platine, de l’osmium ou de l’iridium, métaux dont le prix est extrêmement élevé…

Ce serait oublier un détail : ces prix extrêmement élevés sont liés à la rareté de ces métaux, notamment au regard de leur utilité. Si vous inondez le marché de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de platine, vous aurez inévitablement une chute des prix, ce qui ne fera qu’éroder la rentabilité du projet…

L’autre grand problème est celui de l’unité de temps : lorsque vous investissez dans un domaine, vous souhaitez avoir un retour sur investissement. Ce retour sur investissement va dépendre de nombreuses circonstances, qui vont pouvoir évoluer dans le temps -ces évolutions pouvant constituer un risque au regard de la rentabilité du projet-.

Or, l’exploitation minière des astéroïdes implique des investissements s’étalant sur des années. Par exemple, la sonde Hayabusa 2 a été lancée le 3 décembre 2014. Elle atteindra son objectif en juin 2018 et ne devrait revenir sur Terre qu’en 2020, soit 6 ans après son départ.

Ces échelles de temps, plutôt longues, pourraient dissuader d’éventuels investisseurs, qui préféreront placer leur argent sur des projets plus flexibles, pouvant être corrigés en cours de route, sans devoir attendre une décennie pour obtenir un retour sur investissement incertain.

Pour surmonter ces problèmes économiques, plusieurs idées ont été avancées. Je ne vais faire que les survoler, mais je tiens à en citer deux :

  • capturer un astéroïde pour le mettre en orbite autour de la Terre, pour une exploitation « sur place ». Outre la question de la faisabilité technique d’une telle idée, il n’est pas certain que, politiquement, les Etats soient particulièrement enthousiastes à l’égard de ce genre de pratiques…
  • exploiter les astéroïdes non pas pour ramener des ressources sur Terre, mais pour les utiliser dans l’espace.Une telle idée paraît sensée : pouvoir exploiter de l’eau dans l’espace permettrait de disposer à la fois d’eau, d’hydrogène et d’oxygène (et, de ce fait, de carburant). De même, une usine spatiale automatisée disposant de ressources importantes en métaux pourrait permettre de résoudre la question du prix des lancements depuis la Terre.

La réponse à ces questions, nous ne l’aurons que dans plusieurs années.