Le 13 juillet dernier, j’ai pu lire un reportage intéressant dans le New York Times. Cet article, que je me permets de vous résumer et de compléter, recense un certain nombre « d’arches de l’Apocalypse » ayant pour objet de préserver tel ou tel aspect de la biodiversité.
Cette tendance des scientifiques à construire d’immenses dépôts chargés de stocker une multitude d’éléments témoignant de l’état du monde naturel -avant que ce dernier ne disparaisse- semble aller en se renforçant ; du moins, c’est là la position du président de la International Society for Biological and Environmental Repositories, qui compare le phénomène actuel à la « course à l’espace ». Son organisation a recensé 1300 »biobanques » dans le monde. En voici quelques exemples :
La réserve mondiale de semences du Svalbard
La réserve mondiale de semences de Svalbard est une chambre forte souterraine sur l’île norvégienne du Spitzberg, à 1100 kilomètres à peine du Pôle Nord.
Elle a pour objet la conservation des semences agricoles du monde entier, aussi bien à des fins d’études que pour pouvoir préserver leur diversité génétique, ce qui pourrait s’avérer utile en cas de désastre imprévu.
En décortiquant la liste des donneurs, je constate qu’outre les gouvernements et les associations spécialisées, un certain nombre d’entreprises et d’acteurs privés ont participé au projet. Parmi ceux-ci, je tiens à signaler :
- DuPont, une entreprise « multinationale » impliquée dans un grand nombre de domaines. Une filiale intéressante se nomme Pioneer Hi-Bred, spécialisée dans l’agriculture et la conception d’OGM.
- Syngenta est une entreprise spécialisée dans la chimie et l’agroalimentaire, qui avait failli être rachetée par Monsanto en 2016, et a été (semble-t-il) racheter par ChemChina en 2017. Elle produit des pesticides mais aussi des OGM.
En 2007, la fondation Bill & Melinda Gates a accordé une aide financière d’un montant de 30 millions de dollars. Il semblerait qu’il s’agisse d’un des acteurs privés les plus importants dans la conduite de ce projet. Pour les curieux, vous pourrez trouver la liste actualisée des donneurs ici.
La réserve mondiale a ouvert le 26 février 2008. C’est à compter de cette date que des stocks de semences ont été envoyés. Je vous invite à aller sur Youtube jeter un oeil à la vidéo de Veritasium sur le sujet, la chose est très instructive. Grâce à cette vidéo, vous pourrez constater la diversité des pays participant à cet effort de préservation et avoir une petite visite guidée du complexe.
A l’heure actuelle, la réserve mondiale contient plus de 5000 espèces de semences essentielles au maintien de la diversité génétique du secteur agricole.
L’Arche des amphibiens
L’article du New York Times évoque l’Arche des Amphibiens, qui n’est pas localisée en un point exact. Il s’agit en réalité d’une coopération internationale entre 180 centres de recherche répartis entre 32 pays. L’objectif est de préserver des « colonies d’amphibiens » dans l’éventualité où ces derniers disparaîtraient à l’état naturel, afin de pouvoir les étudier et, éventuellement, les réintroduire dans leur milieu naturel lorsque les conditions seront plus propices.
La Fondation pour la Restauration du Corail
La Fondation pour la Restauration du Corail a un objectif plutôt transparent : préserver et restaurer le corail.
Pour atteindre cet objectif, ils ont mis en place des arbres à coraux, des structures en PVC sur lesquelles les coraux peuvent s’accrocher et se développer. Ils ont actuellement sept champs d’arbres à coraux au Sud de la Floride, ce qui leur a permis de cultiver des dizaines de milliers de coraux.
Sur le site internet de la Fondation, je constate qu’ils appellent ces arbres à coraux des nurseries, que je traduis par pépinière faute de mieux. Il s’agit de développer en continu des coraux ; une fois que ces derniers ont atteint la taille nécessaire, ce qui prend entre six et neuf mois, ces derniers sont détachés de l’arbre à coraux et réimplantés sur un récif en cours de restauration.
Le Laboratoire National pour la Préservation des Ressources Génétiques
On change de stratégie ici. Ce laboratoire, lié au département américain de l’Agriculture, ne vise pas la production et la restauration des récits coralliens mais la préservation du sperme corallien -le corail est hermaphrodite et produit à la fois des spermatozoïdes et des oeufs-. Ce dernier est cryogénisé pour qu’il puisse être étudié et préservé.
Cet été, le laboratoire va essayer d’utiliser ce matériel génétique pour cultiver du corail et essayer de le réintroduire dans la nature.
La cryo-initiative du Parc zoologique national de Washington (Smithsonian National Zoological Park)
J’aurais aussi pu parler de banque de lait. Le Parc Zoologique national de Washington stocke 16000 échantillons de lait venant de 180 espèces différentes, ce qui en fait, selon le New York Times, la plus large collection de lait congelé d’animal exotique du monde.
Le Zoo Congelé de San Diego
Plus classique, il s’agit d’une banque de gènes contenant les cellules de 1000 espèces différentes venant d’un peu partout dans le monde.
Comme toutes les banques de gènes, il s’agit à la fois de préserver mais aussi de pouvoir étudier le matériel génétique d’autant d’animaux que possible.
L’institut Vavilov
Le botaniste russe Nikolaï Vavilov a fondé en 1926 l’Institut pansoviétique de botanique appliquée et de nouvelles cultures de Leningrad (Saint-Pétersbourg pour ceux qui ne suivent pas). Nikalaï Vavilov est mort de faim dans les geôles staliniennes à la suite d’une purge ; son institut lui a survécu, et a même pris son nom dans les années 1960.
Cet institut est la plus vieille « banque de graines » du monde, avec plus de 350.000 variétés de graines.
J’avoue ne pas comprendre pourquoi le New York Times l’a oublié ; sans doute est-ce la conséquence du format « reportage », qui leur rend plus simple la possibilité de visiter une installation à Miami ou Washington qu’en Russie.
La Cryobanque Nationale
La Cryobanque Nationale est un Groupement d’Intérêt Scientifique créé en 1999. Comme pour toutes les banques de gène, il s’agit de récolter des échantillons de semences, de tissus, à des fins d’étude scientifique mais aussi de conservation. Dans le cas de la Cryobanque Nationale, l’accent est mis sur les animaux domestiques d’élevage français, dont vous trouverez la liste ici.
C’est la fin de ma petite liste. J’avoue ne pas m’être foulé sur ce coup-là, mais c’est un domaine que je découvre totalement. Je trouve la démarche passionnante et, je crois, assez peu connue. Plus que de vous apprendre des choses techniques ou de partager avec vous des réflexions profondes sur les biobanques et leur fonctionnement, je souhaitais simplement porter ce phénomène à votre attention et -je l’espère- réussir à apprendre quelque chose à quelqu’un, voire à susciter de l’intérêt pour ce phénomène.