Le Worldbuilding : les lois de votre Univers – Introduction & Voyage supraluminique

Bonjour à tous !

Je vous propose dès aujourd’hui de découvrir la suite de mon article sur le Worldbuilding en explorant quelques questions relatives à la détermination des lois naturelles régissant votre Univers construit.

La détermination des lois naturelles de votre Univers construit est une étape absolument fondamentale… mais peut être parfaitement anecdotique.

En effet, si vous vous situez sur le terrain de la Science-Fiction, le seul élément vraiment important quant aux lois physiques concernera le voyage supraluminique. Dans l’écrasante majorité des cas, les autres lois de notre Univers resteront inchangées.

Il n’en reste pas moins que cette question doit être traitée : en ce cas, autant s’en occuper  convenablement.

L’erreur fondamentale

A votre avis, en matière de détermination des lois de la physique ou des lois magiques, quelle est l’erreur fondamentale que peut commettre l’auteur? Quelque chose qu’un lecteur ne pourra que soulever?

Vous l’avez certainement deviné : c’est l’incohérence. L’incohérence est l’erreur fondamentale, ultime, du worldbuilding.

Être incohérent, cela peut vouloir dire deux choses :

– soit vous avez posé une règle relative à l’utilisation de la magie, par exemple il est absolument impossible de se téléporter, et vous, en tant qu’auteur, vous ne respectez pas cette règle à un moment de l’histoire parce que vous l’estimez trop contraignante : c’est là une faute. Dès lors que vous avez déjà développé ladite règle dans de précédentes histoires situées dans le même univers, vous ne pouvez pas ignorer le passé pour des raisons de confort.

En effet, le lecteur suspend son incrédulité, quand il vous lit : cela fait partie du contrat de tout lecteur de littérature de l’imaginaire. En échange de cette suspension de l’incrédulité, l’auteur doit respecter l’intelligence de son lecteur et lui fournir un monde disposant de sa propre cohérence interne. Vous violez totalement ce contrat lorsque, pour les besoins de l’histoire, vous ne tenez plus compte des lois fondamentales de l’Univers que vous avez créé.

– soit vous vous placez dans un récit de hard-SF (notamment) ; vous développez avec rigueur de nombreux aspects scientifiques de votre Univers quand soudain, c’est le drame : vous avez la flemme et vous faites l’impasse sur les implications scientifiques de telle action de votre histoire, pour des raisons de facilité. Cela va déstabiliser le lecteur, et potentiellement le sortir de sa lecture.

Autrement dit, quand vous écrivez dans un genre, ayez conscience de ce que cela peut impliquer en termes de worldbuilding : si vous écrivez un space-opera, il vous faudra réfléchir trois secondes au voyage supraluminique ; si vous écrivez de la fantasy, les lois de la magie sont absolument nécessaires ; si vous écrivez de la hard-SF, il va vous falloir rester rigoureux de bout en bout. Tenez compte des attentes de vos lecteurs en terme de worldbuilding, tout simplement.

Cette contrainte n’en est, d’ailleurs, à mon sens, pas vraiment une : se tenir aux lois de votre Univers peut permettre de découvrir des histoires ou des sous-intrigues intéressantes.

Prenez, par exemple, un monde où la maîtrise de la magie est une qualité innée : cette simple idée peut permettre d’entrevoir de nombreuses possibilités. Les personnes ayant cette qualité sont-elles nombreuses? Est-ce héréditaire? Est-ce bien perçu par la société? Déjà, de nombreuses implications commencent à se faire jour.

De la même façon, un livre comme la Guerre Éternelle repose très largement sur l’utilisation des lois physiques : les voyages interstellaires deviennent possibles, les vaisseaux voyagent quasiment à la vitesse de la lumière, mais le temps est déformé pour les voyageurs et des années, des décennies vont passer pour le reste de l’Univers…

Le voyage supraluminique

Les fondamentaux

Le voyage supraluminique est sans doute la question la plus épineuse et importante pour la plupart des écrivains de science-fiction. Le Space-Opera n’existerait pas sans, tout simplement.

Quelles sont vos possibilités?

  • vous pouvez avoir recours à la notion d’hyperespace : rien de bien original, mais cela peut fonctionner. Vous vous évadez des lois de la physique telles que découvertes par Einstein, pour vous projeter dans une dimension plus accommodante -un raccourci, si je puis dire-.
  • Vous pouvez aussi avoir recours au warp drive, qui va distordre l’espace-temps à votre avantage : l’espace va se contracter devant vous et s’allonger derrière vous. En modifiant le tissu spatiotemporel de notre réalité, vous pouvez aller plus vite que la lumière : c’est à cause de ce changement du tissu même de notre réalité que nous ne pouvons pas voir les galaxies les plus éloignées de nous, et que nous ne les verrons jamais : l’espace se dilate plus vite que la lumière ne se déplace, de sorte que la lumière émanant de ces galaxies ne nous atteindra jamais (plus la lumière avance, plus « l’horizon » est éloigné…Sisyphe peut aller se rhabiller)…
  • Le trou de ver, ou autre concept assimilé. Pour expliquer ce dont il s’agit, vous allez devoir prendre une feuille de papier, y tracer une droite, la plier en deux, et la percer avec un stylo pour montrer le raccourci.
    Cela ne fait pas nécessairement sens, mais c’est un cliché obligatoire.
    Votre trou de ver peut prendre la forme d’un mini-trou noir connectant deux points de la galaxie, à la façon d’Interstellar, ou d’un dispositif alien très complexe sous la forme d’un portail quelconque, à la façon de Stargate. A vous de voir.
    En tout état de cause, il s’agit quasiment de téléportation : vous sautez d’un point à l’autre.
  • des approches humoristiques, à la façon d’un H2G2, qui vont du Infinite Improbability Drive au Bistromathic. Je vous laisse explorer vous-même ces pistes, elles se passent de commentaires !

Une fois que vous aurez choisi une méthode de déplacement, vous pourrez vous poser d’autres questions : le déplacement n’est-il possible que dans un point fixe de l’espace, à la façon des Relais du jeu-vidéo Mass Effect? Est-ce un dispositif installé sur les vaisseaux spatiaux? Quel est le coût de mise en place d’un tel dispositif, et qui peut payer ce coût? Qui maîtrise la technologie nécessaire? A quel point ce moyen de déplacement est-il rapide?

Ces questions-là sont fondamentales, dans la mesure où y répondre va directement influencer la suite de votre processus de worldbuilding et va conditionner les intrigues que vous pourrez développer.  Par exemple, prenons l’hypothèse d’un voyage supraluminique fort coûteux, accessible à une infime minorité, partant de points fixes (d’immenses structures aux confins du puits de gravité de l’étoile concernée, par exemple), avec une vitesse de déplacement d’au plus quatre fois la vitesse de la lumière : cela va nécessairement modifier la structure de votre histoire. Les batailles spatiales se joueront fort possiblement autour des points fixes, qui sont autant de cibles et de points stratégiques et les voyages resteront très longs (une année environ pour Proxima Centauri, étoile la plus proche de notre soleil ! Bien sûr, le temps passera différemment pour ceux qui sont dans le vaisseau et pour le monde alentour ; il n’en reste pas moins que si vous imaginez une révolte sur Proxima Centauri, les renforts terriens vont mettre une bonne année à parcourir la distance nécessaire pour mater la rébellion !). Autre point intéressant : les délais importants de communication vont impliquer une très grande autonomie de la part des capitaines de vaisseaux, qui ne pourront en aucun cas attendre des mois ou des années de recevoir de nouvelles instructions en cas d’évolution de la situation !

Je vous propose en fin d’article un petit récapitulatif des questions à se poser quand on veut créer un univers impliquant le voyage supraluminique. Mais, avant cela, je vous propose d’explorer quelques implications qui ont piqué ma curiosité.

Pour plus de renseignements sur les différentes méthodes de voyages supra-luminiques et des exemples dans la SF, vous pouvez lire cet article d’Apophis.

Et si on creusait un peu la question?

Après avoir effleuré le sujet, vous pouvez peut-être commencer à deviner les implications de vos choix. De nouvelles questions surgissent, que je vous propose d’explorer rapidement, sans prétention d’exhaustivité.

Tout d’abord, il faut souligner une distinction essentielle : celle du voyage supraluminique et celle des communications supraluminiques. Allez-vous permettre l’un et l’autre? L’un ou l’autre? Pourquoi?
Si vous admettez les deux, il vous faudra également déterminer si l’un ou l’autre est plus rapide, et le cas échéant, déterminer à quel point la différence est grande.

Prenons un exemple idiot : vous décidez que la vitesse du voyage supraluminique est deux fois plus rapide que les communications supraluminiques.
Dans un système solaire voisin, une invasion d’origine inconnue survient. Les forces locales envoient des alertes, avant d’être réduites au silence ; personne n’a pu s’échapper. L’invasion continue sa route. Hé bien, dans ce cas, les forces d’invasion arriveront avant l’alerte, avec tout ce que cela implique d’effet de surprise.

Dans l’hypothèse inverse, avec des communications supraluminiques deux fois plus rapide que la vitesse du voyage supraluminique, l’alerte gardera son effet utile et permettra de se préparer à l’invasion à venir.

Au-delà de cet exemple, il faut bien garder à l’idée que la vitesse maximale possible va conditionner votre histoire. Vous voulez faire du Space-Opera à une échelle galactique? Décider que le voyage supraluminique sera à peine supérieur à la vitesse de la lumière risque de poser des contraintes : le moindre voyage prendra des années, des décennies, des siècles, voire des millénaires !

Ensuite, vous allez pouvoir réfléchir quelques instants à la relativité : même sans avoir pour objectif d’écrire de la Hard-SF, avec de la bonne grosse science qui dépote, cette question mérite de se poser car elle peut permettre de devenir l’origine d’histoires passionnantes.

Très sommairement, voilà l’idée : plus votre vitesse tend vers la vitesse de la lumière, plus le temps va passer lentement (ou sera distordu).

Des romans entiers ont pu être écrits grâce à cette mécanique-là. Prenez ce monument de la SF militaire, la Guerre Eternelle de Joe Haldeman (que j’évoquais en introduction) : toute l’histoire repose sur la distinction entre le temps qui passe sur Terre et le temps subjectif des infortunés soldats qui, de sauts collapsars en sauts collapsars ne vivent que quelques semaines ou mois dans le vaisseau, là où des décennies sont passées sur Terre. Dans ces conditions, la guerre est interminable, et tout ce pour quoi vont se battre les soldats n’existe plus.

Autre point intéressant avec la relativité : l’énergie cinétique. Dans un cadre relativiste, l’énergie cinétique d’un objet tend vers l’infini quand sa vitesse s’approche de la vitesse de la lumière. Prenons un objet avec une masse de 100 millions de kilogrammes (un gros navire de croisière, en somme) que vous propulsez qu’à 10% de la vitesse de la lumière. Cela vous donne 4,5 * 10^22 Joules. d’après Wikipédia, la consommation totale d’électricité dans le monde en 2013 était de 5,67 * 10^20 joules.

Enorme, n’est-ce pas? Hé bien, nous ne sommes même pas dans un cadre relativiste ici. L’énergie cinétique d’un objet se déplaçant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière tendrait vers l’infini.

Regardez les deux photos ci-dessous. Ce que vous voyez, ce sont des plaques d’aluminium de 18/20 centimètres d’épaisseur, avec impact d’objets très petits, légers à des vitesses hypervéloces (plus de 9000 kilomètres/heure, donc loin de vitesses relativistes : l’énergie cinétique ne tend pas du tout vers l’infini…).

Hypervelocity_Impact
Credit : ESA
monolithic_shield
Credit : NASA

Imaginez quelques instants un impact d’un objet aussi léger (une petite bille d’aluminium, ou une pièce de monnaie) à des vitesses relativistes (par exemple, 90% de la vitesse de la lumière). Vous voyez où je veux en venir? Si vous admettez le déplacement supraluminique dans votre univers, ou à tout le moins des déplacements d’objets massifs à des vitesses relativistes, il faut bien avoir conscience que tout ce qui sera projeté à de telles vitesses sera une arme de destruction massive. Dans ces conditions, pas besoin d’Etoile de la Mort pour anéantir une planète.

Enfin, pensez aux questions d’accélération ou de décélération. Pour vous aider à percevoir le problème, visualisez une voiture allant à 100 kilomètres à l’heure qui passe, en une fraction de seconde, à 0 kilomètres à l’heure (en rentrant dans un mur en béton, par exemple). Vous visualisez le résultat?

Imaginez quelque chose de semblable avec des vitesses supraluminiques. Même en supposant une accélération en quelques minutes ou heures, il est fort probable qu’une mort violente et douloureuse s’ensuivrait pour les organiques évoluant sur le vaisseau. Bien sûr, vous pouvez surmonter cette contrainte en étant créatif.

Une illustration : dans Endymion, de Dan Simmons -le cycle qui suit le fameux Hypérion-, vous avez un vaisseau capable d’accélérer à une vitesse démentielle. Le seul hic, c’est la mort ignoble de l’équipage. Fort heureusement, ces derniers peuvent être reconstitués par une machine spécialement conçue à cet effet. Pratique !

Et si on creusait encore plus la question?

Ce qui va suivre s’adresse uniquement à celles et ceux voulant, dans un contexte de hard-SF, creuser un ou deux soucis posés par le voyage supraluminique.

Quand vous avez recours au voyage supraluminique, il faut garder à l’esprit que vous devez choisir deux des trois éléments suivants si vous voulez ne pas trop violer les lois physiques :

1/ la Relativité ;

2/ Le principe de causalité ;

3/ le voyage supra-luminique.

Le fait est que vous allez choisir la Relativité -l’ensemble des moyens de propulsion cités ci-dessus essaient de tricher avec la Relativité, sans l’ignorer en tant que tel…-. Dans ce cas, vous allez violer le principe de causalité qui veut que la cause précède la conséquence. Or, en voyageant plus vite que la lumière, vous allez aussi voyager dans le temps.

Ce que je vais vous exposer, je le tire du blog de physicsmatt et de projectrho (en anglais) : je vous en propose une retranscription pour nos amis francophones n’étant pas à l’aise avec l’anglais.

Quelques rappels sur le principe de relativité : la vitesse de la lumière dans le vide est constante, mais le temps, lui, ne l’est pas : le temps écoulé entre deux événements peut varier d’un observateur à l’autre, cette variation étant dépendante de la vitesse de l’observateur (ou de la vitesse du référentiel, quelqu’il soit).

Plus votre vitesse tend vers la vitesse de la lumière, plus le temps va être distordu (ou, autrement dit, passera plus lentement pour vous, qui vous déplacez fort vite par rapport à la Terre).

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Pour l’axe de la vitesse, 1 = vitesse de la lumière (c), Δt est l’intervalle de temps entre deux événements d’un observateur dans un référentiel inertiel donné (par exemple, vous, devant cet article, sur Terre) tandis que Δt’ est l’intervalle de temps entre ces mêmes événements mais pour un autre observateur, dans un autre référentiel inertiel (par exemple, dans un vaisseau propulsé à des vitesses démentes). En bref, plus vous allez vite, plus la différence temporelle entre les deux observateurs va grandir (en frôlant la vitesse de la lumière, vous pouvez avoir un différentiel de 1 pour 10, signifiant que pour une seconde passant pour l’un, vous en avez dix pour l’autre).

Tout cela est bel et bien bon, mais en quoi cela peut-il signifier qu’il y a voyage dans le temps? Il y a, tout au plus, stase temporelle…Non?

Hé bien, non.

Prenez cette représentation visuelle de la relativité restreinte (vous pouvez avoir plus d’explications sur les lignes d’univers sur wikipédia, je ne tiens pas à trop développer, au risque de me planter) :

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Vous voyez deux cônes. Ces cônes, très concrètement, sont inclinés à 45 degrés -à mi-chemin entre le plan spatial et le plan temporel- : ils représentent le cheminement de la lumière.

Tout ce qui est plus lent que la lumière sera plus proche de l’axe temporel (donc dans le cône), tout ce qui est plus rapide que la lumière sera plus éloigné de l’axe temporel (et donc hors du cône). Cela signifie aussi que plus quelque chose est rapide, plus il est horizontal, et à l’inverse, plus une chose est lente, plus elle sera verticale.

On est OK? Continuons encore un peu.

Vous, sur Terre, vous construisez un dispositif de communication supraluminique.

Cela tombe bien : votre cousin sur Proxima Centauri, à 4,25 années lumières, voulait de vos nouvelles.

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cf physicsmatt

Sur le dessin ci-dessus, que j’ai emprunté à M. Matthew Buckley sur son blog physicsmatt, vous pouvez voir deux droites en rouge, à 45 degrés : c’est le cheminement de la lumière. Vous pouvez faire l’expérience de tout ce qui se trouve entre les deux droites.

Vous avez une ligne bleue : c’est une communication moins rapide que la lumière.
En marron, en bas (ou taupe, moi et les couleurs, hein…), vous avez une communications plus rapide que la lumière (donc hors du cône).

Un événement survient quelque part aux alentours de la Terre.

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Vous avez la ligne jaune qui représente l’événement en question ; nous voyons l’événement sur Terre à la première intersection, Proxima Centauri voit l’événement plus tard (seconde intersection). Vu les distances, vous avez 4,25 années de trajet.

Mais vous vous souvenez avoir inventé votre moyen de communication supraluminique.

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Vous décrochez votre téléphone supraluminique pour prévenir Alpha Centauri : c’est la ligne marron. Ils seront informés de l’événement avant qu’ils ne puissent l’observer -c’est-à-dire avant que la lumière/l’information ne les atteigne-.

A ce stade, pas de soucis : la causalité n’est pas violée. Un événement A survient, la Terre le voit, et en informe Proxima Centauri (avant que la lumière de l’événement ne les atteigne, mais rien de fondamentalement dérangeant).

Oui, mais voilà : là, on se situe plus ou moins dans le même référentiel (la Terre/Proxima Centauri).

Mais ajoutez un nouvel observateur se déplaçant à très haute vitesse par rapport à la Terre et Proxima Centauri (même pas besoin d’un vaisseau supraluminique, prenons seulement un vaisseau se déplaçant à 0,99% de la vitesse de la lumière). Dans cette hypothèse-là, on se trouve à des vitesses relativistes, avec la relativité qui rentre dans la danse.

Ce vaisseau, comme la Terre, va avoir son propre référentiel : un axe spatial, un axe temporel…
Ces axes vont sembler bizarre si je les place dans le référentiel de la Terre (leur temps n’est pas le même, d’où l’effet relativiste)…

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Les deux axes déformés sont en noir sur le diagramme.

Quand le vaisseau se déplaçant à des vitesses relativistes va-t-il voir les différents événements?

Il faut d’abord que je précise que, sur le diagramme, si vous voulez tracer une ligne ayant une coordonnée temporelle constante, il faut tracer une ligne horizontale (et donc parallèle à l’axe spatial).
On va avoir besoin de tracer des coordonnées temporelles constantes pour déterminer quand le vaisseau « voit » les différents événements. De la même façon, ces lignes seront parallèles à l’axe spatial du vaisseau.

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Ce n’est pas aussi compliqué que cela en a l’air ! Les lignes bleu ciel sont les lignes temporelles constantes du vaisseau spatial, cela permet simplement d’avoir des repères temporels pour le vaisseau.

Là, si vous vous y connaissez en géométrie, vous avez peut-être compris : faites un triangle entre les différents événements, c’est-à-dire le moment où la Terre voit l’événement, le moment où la Terre téléphone à Proxima Centauri, le moment où le vaisseau voit la réception du message par Proxima Centauri.

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Sur Terre, nous voyons l’événement, nous appelons Proxima Centauri sur le super téléphone supraluminique, puis seulement après la lumière de l’événement atteint Proxima Centauri.

Pour le vaisseau relativiste, regardez le triangle et regardez les coordonnées temporelles constantes. La première chose qu’ils voient, c’est l’appel reçu par Proxima Centauri (une seule unité de temps) ; puis ils voient l’événement et l’appel téléphonique lancé depuis la Terre (trois lignes bleues, soit trois unités de temps).

Autrement dit, ils voient l’effet avant la cause. Ce qui signifie, s’ils ont aussi un super téléphone supraluminique, qu’après avoir intercepté l’appel de la Terre, ils pourraient appeler la Terre pour leur dire de ne pas téléphoner. Il paraît même possible qu’ils voient l’appel avant que la Terre ait perçu l’événement à l’origine de l’appel (mais j’extrapole un peu sur cette dernière phrase, à prendre, donc, avec des pincettes).

Ce serait un peu perturbant, non? Un peu comme le scénario d’Interstellar, en fait (qui repose sur le même mécanisme, sauf qu’il ne s’agit pas tant de vitesse relativiste ici que de modification du tissu spatiotemporel du fait de la masse même du trou noir, modification qui est d’ailleurs abordée dans un récit comme la plongée de Planck, de Greg Egan).

 Un récapitulatif

En conclusion, je vous propose un récapitulatif pratique des questions à se poser quand vous voulez imaginer une méthode de voyage supraluminique, que ce soit pour une oeuvre de SF ou par plaisir :

  • Le voyage supraluminique est-il possible? Les communications supraluminiques sont-elles possibles?
  • A quel point votre vaisseau est-il plus rapide que la lumière? A quel point vos communications supraluminiques sont-elles plus rapides que la lumière?
  • La masse de votre vaisseau influe-t-elle sur sa vitesse supraluminique?
  • Quelle source d’énergie est utilisée pour déplacer le vaisseau plus vite que la lumière? Faut-il d’immenses quantités d’énergie?
  • Combien ça coûte, d’avoir un moteur (ou du carburant) supraluminique?
  • La conception de vaisseaux supraluminiques est-elle un savoir-faire répandu? Rare? Disparu?
  • Le vaisseau peut-il partir de n’importe où? Y a-t-il des restrictions (puits de gravité, par exemple)? Ou doit-il partir de points précis (trous de ver…)?
  • Y a-t-il besoin d’un long laps de temps pour parvenir à la vitesse supraluminique (calculs très longs, accélération très longue, chargement du moteur…)?
  • Peut-on détecter un vaisseau à vitesse supraluminique?
  • La vitesse supraluminique est-elle supportable par les passagers du vaisseau? Souffrent-ils d’effets secondaires?
  • Comment éviter de transformer la moindre bille en arme de destruction massive du fait des vitesses relativistes voire supraluminiques?

 

10 réflexions sur “Le Worldbuilding : les lois de votre Univers – Introduction & Voyage supraluminique

  1. Ping : Le Worldbuilding, qu’est-ce que c’est? – Journal d'un Curieux

  2. Excellent.

    Je suis curieux de savoir si tu as déjà lu Comment écrire de la SF et de la fantasy de Scott Card. Tout cet article reprend à peu près tout ce qu’il a dit sur la construction des règles (et le même exemple, le voyage sl) dans une histoire de sf.

    Si tu l’as pas lu, je te le fournirai volontiers.

    Aimé par 1 personne

    1. Je l’ai lu, oui ! Il y a de cela trois ans, je pense. Je ne m’en suis pas servi pour écrire mes articles : je l’ai prêté il y a de ça six mois, j’en attends le retour avec impatience !
      J’avoue ne pas me souvenir de ce que Scott Card dit sur le voyage supraluminique. Je pensais me servir de mes souvenirs de lui pour la troisième (et dernière) partie de mes articles sur la création des lois régissant tel ou tel univers imaginaire : celui sur les lois magiques. Je me souviens de deux ou trois exemples qu’il a pu donner à ce sujet, notamment une magie reposant sur le sacrifice de parties de son corps.

      Je viens de me faire livrer un livre venu droit des US : World-building, a writer’s guide to constructing star systems and life-supporting planets, de Stephen L. Gillet. Ce sera ma source principale, avec Artifexian, pour les articles sur la cosmologie, je pense.

      Autre source, que je n’ai pas utilisée (n’ayant pas encore demandé l’autorisation de M. Landis pour une traduction) : http://www.projectrho.com/stardrv.txt
      C’est une classification, qui m’a l’air exhaustive, des méthodes de voyage supraluminique.

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  3. « En effet, le lecteur suspend son incrédulité, quand il vous lit : cela fait partie du contrat de tout lecteur de littérature de l’imaginaire. En échange de cette suspension de l’incrédulité, l’auteur doit respecter l’intelligence de son lecteur et lui fournir un monde disposant de sa propre cohérence interne. »

    C’est le contrat de base, et qui devrait être assimilé par tous les acteurs de la SFFF.

    Un article vraiment clair, concis et captivant. J’espère que cela éclairera.
    En même temps, cela explique la difficulté de la hard-sf en space opera. Beaucoup le contourne avec le trou de ver, dont la théorie existe plus ou moins.

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    1. Merci beaucoup! Je ne suis pas convaincu quant au caractère clair ou concis de mes tentatives d’explication !
      Quant au caractère captivant, je crains que causer énergie cinétique ou vitesse relativiste en rebute plus d’un !
      Quant à la hard-sf, le voyage supraluminique est une entorse admise : déjà, parce que c’est super cool, surtout parce que c’est inévitable pour certaines histoires. Il lui suffit (à l’auteur) de ne pas trop s’appesantir sur ce détail, et beaucoup lui sera pardonné !

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  4. Ping : La colonisation de Mercure – Journal d'un Curieux

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